OMEGA Speedmaster 60e: les tribulations d’un collectionneur
Nous étions censés passer en revue le soixantième anniversaire de la Speedmaster. Une bonne occasion de porter l'une de mes montres préférées de l’édition Baselworld 2017. Cependant, lors d'un récent voyage à Venise, j’ai décidé de placer la barre plus haut, j’étais désormais déterminé à acheter cette montre. Je vous livre mon histoire personnelle à propos de mon achat de ma Speedmaster de rêve.
La fièvre a commencé à monter dès l’annonce du salon de Baselworld cuvée 2017, lentement au début, mais de plus en plus forte au cours des mois qui ont suivi. Nous avions assisté à une sorte de renaissance de marques prestigieuses revenues sur le devant de la scène. L’édition 2017 a été largement appelée l'année de la réinterprétration des montres culte. D'Oris à Rolex, les marques ont puisé dans leurs catalogues jaunis par le temps pour trouver l'inspiration d'une autre époque et l’adapter à notre temps. Omega, bien sûr, n'y fait pas exception. La riche histoire de la gamme Speedmaster a toujours ancré cette série parmi les produits phares de cette marque horlogère.
Ce ne fut pas une surprise pour moi lorsque Omega a présenté la collection Speedmaster pour son soixantième anniversaire à Baselworld. Cette gamme me semblait différente, mais pas seulement à moi mais à beaucoup d'autres amoureux des montres. Alors que la plupart des marques se tournent vers des références anciennes et trouvent un moyen de les intégrer à l'ère moderne en les dotant de mouvements, de boîtiers et d'autres accessoires contemporains, Omega a tout simplement comblé les attentes de plusieurs décennies des collectionneurs de plusieurs manières. D’abord numérisation de la Speedmaster, la Seamaster 300 et la Railmaster. Les boîtiers, les aiguilles, les cadrans reproduisent à l’identique la création originale. Les trois modèles en série limitée, sont livrés dans un coffret de présentation inspiré du modèle original de 1957. Alors que la réédition de la trilogie de 1957 devait être un sacré spectacle, mes yeux sont restés rivés sur la Speedmaster. Sa taille parfaite de 38,6 mm est conforme à la version originale. Ses proportions ont été respectées dans les moindres détails jusqu’à redessiner la police d’antan disparue depuis, pour la gravure de l’échelle tachymètre de la Speedy de 1957.
Le périple du collectionneur
La plupart des collectionneurs passent par tous leurs états avant de jeter leur dévolu sur une montre. Pour moi, le déclancheur d’achat est activé selon trois comportements, toujours identiques: admiration (généralement je me base sur ce que j’ai fouiné sur Instagram), recommandation (d'un ami ou un marchand) et une bonne dose de transpiration (recherche de la montre). La plupart des jeunes collectionneurs de fraîche date admettent avoir commis des erreurs (ou des dizaines) dans leur quête de construire une collection.
Chaque année, les salons horlogers exhibent de nouveaux garde-temps de rêve. Résultat, les collectionneurs courent les boutiques ou détaillants les plus proches pour s’inscrire sur une «liste» invisible. J'ai toujours l'impression que ces nomenclatures sont juste un moyen de sonder notre patience et notre endurance. Nous avons tous en tête des histoires d'amis qui rongent leur frein pendant des mois et même des années, pour enfin recevoir ce téléphone salvateur les invitant à venir chercher l’objet tant rêvé.
La recherche
C'est pour cette raison même que je ne participe pas à ce jeu. Je me rends de temps à autre dans les boutiques pour voir si par hasard ils auraient une montre qui m’aurait captivé durant une certaine période. Je réalise pleinement que ma collection est loin d'être un accomplissement de la quête du Graal. Par ailleurs, je goûte fort peu aux prix “Spécial Exposition” et d’autres faveurs de la même veine proposés par des détaillants. Sans doute, mes racines du Midwest y sont pour quelque chose. En général, je préfère rester dans l’expectative et attendre tranquillement que la chance me sourit.
Durant l'été, j'ai commencé à noter l’arrivée de certaines nouveautés de Bâle. Bien sûr, dès leur lancement c’est Instagram qui a servi de relais, alimenté par des acheteurs et des mordus de marques spécifiques. J’ai d’abord suivi les news de la réédition de la Seamaster et de la Railmaster à l’occasion du jubilé du soixantième. Je me souviens d'avoir essayé la Seamaster à l'aéroport de Genève et d'avoir rédigé un texto à un groupe WhatsApp composé de collectionneurs au profil pointu. J'avais besoin de leurs précieux conseils pour savoir si je devais acheter ce garde-temps? Leur réponse a été unanime: "Attends la Speedmaster." Donc, j’ai pris la sage décision de prendre mon mal en patience.
Les raisons de la notériété
La Speedmaster CK2915-1 a été introduite en 1957, bien avant que nous ayons mis un pied sur la lune et un quart de siècle avant la crise du quartz. C'était une montre chaleureuse avec ses grandes aiguilles en forme de flèche et au racing chrono inspiré. Au fil des ans, ce garde-temps est devenu très prisé des collectionneurs. Les prix ont grimpé jusqu’aux toits durant les enchères et parmi les revendeurs spécialisés dans le vintage. Omega a répondu aux sollicitations du marché selon une stratégie bien établie. Présentation de la Speedmaster 57 et de la CK2998 qui reprennent certains éléments de conception de la version originale tout en incluant des touches modernes comme les échappements Co-Axial dont le rôle est d’entretenir les mouvements de va-et-vient du balancier de la montre ou des boîtiers au format plus grand.
Ma propre quête
Je suis souvent sur la route et il m’arrive d’entrer dans une boutique de montres plus d'une fois par semaine. Mon périple m’a conduit dans les magasins Omega de New York à Los Angeles et dans de nombreux points de vente. Une fois à l’intérieur, je fais l'imbécile avec toujours la même touche de comique lorsque je demande, "Hum, Euh, je cherche la 60e du jubilé Speedmaster. Vous en avez ?" Le vendeur répond d'une manière amusante que ce type de montres est épuisée et donc indisponible dans ses rayons. Après plusieurs réponses négatives, j’ai fini par accepter mon destin.
La semaine dernière, sur un coup de tête, j'ai réservé un vol pour Venise afin de passer un week-end dans la cité des Dodges avec ma petite amie. Trop souvent, je viens en Europe pour travailler, et nous avons du mal à passer du bon temps ensemble, loin de l’univers des montres. Ce devait être notre week-end pour s'adonner à la bonne cuisine italienne du cacio pepe, à l'art moderne et aux splendides paysages de cette ville aux mille canaux.
"Vite, arrêtez-vous arrêter ici "
Cette antienne revient bien souvent dans la bouche d'un collectionneur. Notre hôtel était situé à deux pas de la boutique Omega de Venise. Naturellement, je devais faire un saut pour voir s'ils avaient une de ces «Speedies» convoitées. À ma demande très polie, le vendeur m'a répondu qu'il avait une 60e Speedy en stock ! Quel choc, je lui ai immédiatement dit que jétais intéressé.
Après m’être installé confortablement dans le lounge, on m’a ramené la merveille. Elle trônait dans toute sa splendeur, elle qui m'avait échappé depuis Bâle. Après une inspection rapide et un contrôle du prix, j'ai dégainé ma carte de crédit. Le gérant du magasin a commencé à chuchoter quelque chose en italien au vendeur. Le garde-temps était réservé pour une autre client, il y avait erreur sur la personne ! J'ai quitté le magasin complètement abattu, mais plus que jamais déterminé à en trouver une.
"Cette montre est une licorne"
Toute honte bue, j'ai commencé à envoyer des textos à des amis, à des revendeurs, à n'importe qui qui pourrait comprendre mon désarroi. Les réponses étaient identiques: "Désolé mec, cette montre est une licorne." Une expression de collectionneur qui sert à désigner un objet introuvable.
J’ai finalement réalisé que mon rêve de posséder une 60e Speedy ne se réaliserait pas. J'ai commencé à chercher autre chose de vintage dans la même fourchette de prix. J'ai regardé l’année de naissance de la Speedy et quelques autres modèles en cristal plexi. Quand j'ai raconté mon sort à Marco Gabella, cofondateur de Watchonista, il a appelé son ami, un revendeur local d’une entière confiance. Le monsieur venait juste d'avoir une Speedmater de 1992 référence 142.011. Nous sommes allés regarder la montre. Une sacrée référence pour un montant raisonnable. Après avoir survolé le déjeuner, je suis reparti acquérir la montre. Je me sentais satisfait de trouver une solution à ma Speedy "fièvre".
Une halte chanceuse
Alors que mon voyage en Europe touchait à sa fin, je me dirigeais vers l'aéroport de Genève pour prendre le vol de 11h45 à destination de New York. Après avoir passé les contrôles de sécurité, j'ai fait une halte au magasin Omega. Elle était là! Juste dans la vitrine ! La Speedmaster millésimée 60e anniversaire dans son écrin. Je me suis précipité à l'intérieur pour demander si l’objet de ma convoitise était bien disponible. À ma grande surprise, c’était le cas !
Apparemment, quelqu'un avait réservé cette montre, mais le délai avait expiré à 9 heures du matin. La chance avait sonné à ma porte quatre minutes après l’expiration. Le vendeur a essayé de me convaincre que la montre ne tiendrait pas toute la journée dans son magasin. Je lui ai répondu: «Je n'ai pas besoin de la journée, j'ai juste besoin de la montre.» J'ai vite payé avec ma carte de crédit, j'ai pris un autre espresso et j’ai embarqué encore sous le coup de l’émotion.
Retour à la réalité
Je suis en train de rédiger cet article à plus de 12’000 mètres au-dessus de l'océan Atlantique, et j’ai l’impression de voler, d’être en apesenteur. Est-ce que j'ai vraiment ma Speedmaster, aboutissement du Graal, dans le compartiment des bagages? Durant tout le vol, je n’ai cessé d’ouvrir le coffret pour m’assurer de ma bonne fortune. La montre était toujours là. Je me réjouissais de rentrer à la maison et de la porter à mon poignet. Une seule question lancinante me taraudait : “Vais-je la garder ?”. Comment expliquer les prix exhorbitants du marché secondaire si ce n’est par la rareté de cette montre qui ne satisfait pas encore pleinement la demande ? Ou est-ce la prochaine quête du Graal avec une montre dont la cote montera au fil des années?
Pour l'instant, je vais juste m'allonger et faire ce qui me semble naturel, relaxer.